Pour une simplification du système scolaire neuchâtelois

Réflexion à partir des propos de Serge Ramel, chef du Service de l’enseignement obligatoire

Le 16 août dernier, ArcInfo publiait un entretien avec Serge Ramel, nouveau chef du Service de l’enseignement obligatoire du canton de Neuchâtel. À travers ses propos, un mot revenait comme un fil rouge : simplification. Un mot simple, mais porteur d’enjeux considérables dans un canton où la gouvernance scolaire, les structures et la terminologie peinent à être comprises, non seulement par les familles, mais aussi par une partie du corps enseignant lui-même.


Un constat partagé : un système trop complexe

Dans cet entretien, Serge Ramel confiait avoir lui-même eu de la difficulté à comprendre le fonctionnement de l’école neuchâteloise lors de son arrivée, malgré son expertise en sciences de l’éducation. Si un spécialiste du domaine s’y perd, on imagine aisément les obstacles rencontrés par les parents ou par les employeurs qui accueillent des jeunes en formation professionnelle.

La distinction subtile — parfois purement nominale — entre cercles scolaires et centres scolaires, avec des chevauchements de désignation, en est une illustration frappante. D’autres éléments de complexité viennent s’ajouter : un système de niveaux multiples, des pratiques d’inclusion hétérogènes, une multiplicité de mesures de soutien qui diffèrent selon les régions. Attention, nous ne préconisons pas une gouvernance cantonalisée. Il est nécessaire d’imaginer des solutions qui correspondent aux diversités sociales régionales et aux ressources humaines en place.


Les difficultés concrètes rencontrées sur le terrain

En tant qu’acteurs de terrain, nous faisons un constat analogue. Dans le Cycle 3 (9e à 11e années), la situation est particulièrement révélatrice :

  • Les enseignants peinent à se conformer à une nomenclature changeante, qui distingue sans cesse cycles, niveaux, options et mesures.
  • Certains doivent gérer un changement de niveau à chaque semestre, ce qui rend la planification pédagogique difficile et brouille le suivi des élèves.
  • Les intervenants de l’école eux-mêmes éprouvent des difficultés à garder une vision claire de « qui est l’enseignant de quel élève » à un instant donné, ce qui fragilise l’accompagnement institutionnel.

Ces dysfonctionnements ne sont pas anecdotiques : ils pèsent sur la charge administrative, réduisent le temps consacré à l’enseignement et compliquent la communication avec les familles.


Ce que disent les recherches internationales

La réflexion neuchâteloise s’inscrit dans un débat plus large sur la lisibilité des systèmes scolaires. De nombreuses études comparatives internationales — notamment celles de l’OCDE — montrent que la simplicité et la cohérence organisationnelle favorisent l’efficacité et l’équité :

  • Hanushek & Wößmann (2006, 2011) ont démontré que les systèmes différenciés précocement en niveaux augmentent les inégalités sans améliorer la performance moyenne.
  • Les rapports PISA de l’OCDE confirment que les systèmes plus compréhensibles et lisibles (Finlande, Canada) obtiennent de meilleurs résultats et moins d’échecs scolaires.
  • Sahlberg (2011) souligne que la réussite finlandaise repose justement sur une école de base simple et commune, lisible par tous les acteurs.
  • L’OCDE (2016, Equity and Quality in Education) recommande explicitement d’éviter la complexité institutionnelle et d’opter pour des parcours scolaires clairs et accessibles.

En résumé : plus un système est compréhensible, plus il est productif au sens large (résultats, équité, coûts).


Une complexité qui pèse aussi sur les familles et les employeurs

Dans les rencontres avec les parents, on mesure à quel point la terminologie scolaire est devenue opaque. Les familles doivent décoder une grammaire institutionnelle de « cycles », « niveaux », « options », « plans de mesures », qui change parfois d’un cercle scolaire à l’autre. Cela crée un sentiment d’injustice ou, au minimum, d’incompréhension.

Du côté du monde professionnel, les maîtres d’apprentissage ou les entreprises qui accueillent des stagiaires ne sont pas mieux lotis. Ils peinent à s’y retrouver dans les intitulés, les parcours et les transitions entre la scolarité obligatoire et la formation. Ce manque de lisibilité nuit à la confiance dans le système et ralentit l’intégration professionnelle des jeunes.

La position d’appuiformation.ch Sàrl

Chez appuiformation.ch, Sàrl  nous sommes convaincus que le système le plus simple — et non simpliste — est le plus efficient. Notre conviction peut se résumer ainsi :

« Un système compris du plus grand nombre est un système que nous pouvons réfléchir ensemble. »

La simplicité est une condition de l’inclusion : elle rend le système scolaire accessible, lisible et appropriable par les enseignants, les élèves, les parents et les partenaires sociaux.

Tant que la complexité actuelle subsistera, nous nous tenons à disposition pour accompagner les élèves, les enseignants et les familles qui en ressentent le besoin. Cela passe par du soutien pédagogique, de l’accompagnement méthodologique et des explications claires des règles du jeu scolaire.


Simplifier : une priorité politique et pédagogique

Dans son interview, Serge Ramel dit vouloir harmoniser les mesures d’inclusion pour éviter le « tourisme scolaire » et garantir que chaque élève ait accès aux mêmes dispositifs, quel que soit son cercle. C’est une avancée bienvenue. Mais la simplification ne doit pas s’arrêter là.

Harmoniser des pratiques entre cercles et centres est une étape, certes nécessaire. Mais si la nomenclature et les parcours scolaires continuent de se complexifier et si les structures institutionnelles demeurent confuses, les effets positifs resteront limités.

La simplification doit être structurelle et culturelle :

  • Clarifier les niveaux, particulièrement le nombre de profils possibles.
  • Réduire la charge administrative des enseignants.
  • Rendre les parcours scolaires transparents.
  • Garantir une répartition claire et compréhensible des responsabilités entre canton, directions et cercles scolaires.

Conclusion : planter aujourd’hui les arbres de demain

Dans son entretien, Serge Ramel se comparait à un forestier qui plante aujourd’hui des arbres dont profiteront les générations futures. C’est une image forte et juste. Mais planter un arbre suppose aussi de préparer le terrain, d’éliminer les broussailles et d’apporter de la clarté.

Nous saluons la volonté affichée de simplification, et nous partageons la conviction que cette démarche est essentielle pour la santé des enseignants, la réussite des élèves et la confiance des familles.

Cependant, cette simplification doit aller au-delà d’une simple harmonisation des pratiques. Elle doit toucher la structure même du système scolaire neuchâtelois, afin que chacun puisse le comprendre et s’y retrouver. Et que dire de la charge horaire des élèves ! Mais cela fera l’objet d’un autre article, d’une autre réflexion. 

En attendant cette évolution, appuiformation.ch continuera à accompagner enseignants, élèves et parents dans ce dédale institutionnel, avec une certitude :

Un système simple, clair et partagé est un système qui réussit.